Session Plénière

Session Plénière (1)

vendredi, 10 novembre 2017 22:23 Écrit par

Le concept de médecine personnalisée est très en vogue depuis quelques années, comme l’illustre l’augmentation exponentielle des articles publiés qui utilisent cette terminologie. Il est cependant loin d’être nouveau : il y a presque un siècle et demi, William Osler l’évoquait déjà en précisant que la médecine ne soigne pas des maladies mais des patients.

Les développements scientifiques autour des phénotypes cliniques et des mécanismes physiopathologiques sous-jacents sont le fonde- ment de la prédiction de l’histoire naturelle et de la réponse au(x) traitement(s). La personnalisation thérapeutique et, plus largement, de la médecine 4P (personnalisée, prédictive, préventive et participative) trouvent leurs origines dans ces progrès. De nombreuses maladies respiratoires chroniques sont dès maintenant concernées : cancer bronchique, asthme, BPCO, fibrose pulmonaire, apnées du sommeil, hypertension pulmonaire, mucoviscidose…

L’essor de nouvelles thérapeutiques permettant une individualisation plus fine promet d’être très rapide dans les années à venir. En témoigne la multiplication des biothérapies ciblant les voies éosinophile et Th2 dans l’asthme, des traitements ciblant des anomalies spécifiques du CFTR dans la mucoviscidose ou, et depuis plus longtemps, des thérapies ciblées des cancers broncho-pulmonaires. Face à un patient donné, la décision de proposer une biothérapie et le choix entre les biothérapies envisageables reposent et reposeront de plus en plus sur des biomarqueurs prédisant la réponse, à partir des particularités génétiques des cellules cibles. cette notion de ciblage biologique est un fondement de la « médecine de précision ».

Dès lors, faut-il considérer que « médecine personnalisée » et « médecine de précision » sont deux termes interchangeables, dotés de la même signification ? Le débat va au-delà de la pure sémantique : la « précision » renvoie à l’utilisation d’indicateurs très spécifiques d’un profil lui-même très spécifiquement ciblé par certains traitements. Le trio « voie physiopathologique – biomarqueur – thérapie ciblée » répond à cette définition, et prend son essor grâce aux développements de la biologie des systèmes. ces progrès permettent d’envisager une stratification des patients basée sur des marqueurs génétiques, moléculaires et cellulaires liés aux causes/mécanismes plutôt qu’aux symptômes des maladies.

Mais la personnalisation ne se limite pas à la précision : elle doit tenir compte de « facteurs humains », notamment environnementaux, sociaux et comportementaux. ces facteurs, qui ne sont pas nécessairement liés aux causes ou aux mécanismes, sont par essence très variables d’un patient à l’autre et peuvent interférer notablement avec la prise en charge et l’évolution. nous ne disposons souvent pas d’indicateurs précis pour les appréhender, en tout cas pas aussi précis que dans le domaine biologique : pour l’heure, la médecine des systèmes sociaux et comportementaux n’est pas aussi précise que celle des systèmes biologiques.

La précision doit donc être intégrée à la personnalisation (ainsi qu’à la prédiction voire à la prévention – autre sujet de débats), mais cette dernière doit la dépasser, être plus globale, pour intégrer toutes les composantes « non biologiques » (ou non exclusivement biologiques) qui interagissent pour présider à l’avenir du patient, bien au-delà des mécanismes intimes de la maladie. hippocrate préfigurait déjà cette réflexion : « Quand quelqu’un désire la santé, il faut d’abord lui demander s’il est prêt à supprimer les causes  de sa maladie. Alors seulement est-il possible de l’aider. » Ainsi, l’utilité de la prise en charge dépend non seulement de notre capacité à traiter les causes/mécanismes (précision) mais aussi du comportement du patient et de notre capacité à l’impliquer (le 4e P pour participation). c’est l’ensemble de ces éléments qui doit être le cœur de la personnalisation.

Références

[1] Flores M, glusman g, Brogaard K, Price nD, hood L. P4 medicine: how systems medicine will transform the healthcare sector and society. Per Med 2013;10:565–76.

 

 

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